A l’antiquité, la crise devient une phase décisive
La tragédie antique fut parmi les plus anciennes oeuvres à faire de la crise le coeur del’histoire, le moteur de l’action et la porte vers de multiples dénouements inéluctables. Une série d’événements néfastes menacent et frappent le héros, l’obligeant à prendre une décision qui marquera sa destinée. Le héros n’a qu’un choix limité entre la soumission, le sacrifice ou l’absurde. L’art grec est tragique.
Hippocrate, le fameux « père » de la médecine, étend le terme « séparation, triage » (krisis) à l’usage médical pour prendre le sens de « mise en jugement ».
« Krisis » devient la phase décisive de la maladie, que cette phase soit l’oeuvre du médecin ou de la maladie elle-même. Hippocrate refuse le caractère divin de la maladie et les supersitions de soins ou d’explications.
A la même période, vers 410 avant J.-C, l’historien grec Thucydide confirme l’usage de « krisis » dans le sens de décision mais aussi dans le sens de phase décisive de la maladie lors de la progression de la peste d’Athènes qui ravagea la ville. Homme intelligent mais souvent décrit sans humour, il rationnalise les faits et tente de les ordonner, de rechercher leurs origines et de comprendre leurs conséquences.
A la fin de l’antiquité, la conception divine reste prédominante dans la tradition populaire jusqu’au XIXème siècle.
Une situation inhabituelle entraîne des décisions déterminantes
C’est au XXème siècle que le concept de la crise s’élargit de la médecine-psychiatrie à celui de la psychologie pour aboutir à toute situation inhabituelle à laquelle la personne doit faire face et où elle a à prendre des décisions déterminantes.
Le développement de la science, de la recherche et de la médecine – psychologie moderne, ainsi que l’ampleur inédite des événements traumatiques du XIXème et XXème siècle, ont mis en évidence leurs impacts sur la santé mentale de ceux qui les vivaient.
De graves accidents
Ces événements étaient pour la plupart liés à de graves accidents industriels (mine, chemin de fer…) et Oppenheim en 1892 utilisera le terme de « névrose traumatique » (in Die Traumatischen Neurosen).
A partir de là, tout s’accélère et de nombreux spécialistes vont y consacrer leurs recherches.
Dès 1889, Janet souligne que le rétablissement après un trauma est lié à la reconstruction verbale et l’expression de l’événement traumatique. Citons encore Edward Stierlin (1909) qui travailla sur les effets psychologiques d’un désastre minier en 1906.
Les champs de bataille
Les champs de bataille devinrent également d’importants champs d’investigation des traumatismes et des interventions de crise. Salmon (1919), Kardiner et Spiegel (1947) firent avancer les connaissances dans les interventions psychiatriques d’urgence durant les deux guerres mondiales. Ils mirent en évidence le besoin d’interventions différentes de la clinique traditionnelle. Les principes de proximité, d’immédiateté et d’attente demeurent encore aujourd’hui les piliers de toute intervention d’urgence.
Autre précurseur, Marshall montra la nécessité d’une réaction immédiate de crise en proposant le maintien des militaires choqués à proximité du champ de bataille plutôt que leur envoi dans les lointains hôpitaux.
Avec la seconde guerre mondiale, les psychologues et les psychiatres qui travaillaient près des champs de bataille découvrirent les premiers cas de « battle fatigue » (« shell shock » dans le langage de l’époque).
La psychiatrie de guerre
Avec ces crises hors du commun que sont les guerres comme champ d’investigation, la psychiatrie de guerre fit d’immenses progrès dans la compréhension des pathologies traumatiques et dans la conception d’une approche d’aide et de soutien aux victimes.
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